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un soutien à l'adoption

l'Attachement

1 - La théorie de l'attachement

La théorie de l'attachement a été développée par le psychanalyste anglais John Bowlby (L'attachement, trois tomes) puis par ses élèves (Mary Ainsworth ...) et par des chercheurs encore aujourd'hui.

Le concept vient de l'éthologie animale. Une femelle qui vient de mettre bas marque son petit de son empreinte (empreinte sensorielle, souvent olfactive) grâce à quoi elle le reconnaît parmi tous les autres. Le petit de son côté est mû par un instinct de rapprochement de sa mère dans toutes les circonstances où il a besoin de protection. L'instinct de chercher refuge auprès de la mère est aussi important pour la survie du petit, donc de l'espèce, que l'instinct de se nourrir. Le besoin de protection est un besoin primaire, l'attachement à la mère est une pulsion primaire.

Si la mère ne marque pas son petit de son empreinte dans un délai très court, fixe pour chaque espèce, elle ne le reconnaît pas, elle le repousse et il meurt ; à moins qu'il n'ait réussi à trouver une autre protection ...

L'attachement permet cependant au petit d'explorer son environnement : le comportement d'attachement n'est activé qu'en présence d'un danger.

Le bébé humain connaît le même besoin vital, primaire, d'attachement à sa mère ou à une figure maternelle de substitution. L'attachement entre la mère et le bébé se tisse entre la naissance et huit mois, à la faveur de la protection que la mère accorde à l'enfant. Trois aspects du comportement de la mère sont déterminants :

Grâce à ce comportement de toute mère " suffisamment bonne " (le mot est de Winnicott) le bébé humain apprend :

Il peut exister plusieurs figures d'attachement, et le père en est une également. Mais l'enfant ne peut pas en avoir plus de trois ou quatre ... la multiplication des figures autour de lui l'empêche de s'attacher. Il a un besoin vital de continuité de soins pour avoir des repères et se sentir en sécurité. (L'expérience de Spitz en milieu hospitalier montre que les enfants meurent en cas de manque total d'attachement)

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2 - Les troubles de l'attachement

Un bon attachement est dit "attachement sécure". A 12-18 mois, un enfant attaché de manière sécure pleure au départ de sa mère, peut accepter les consolations d'un étranger bienveillant et affectueux, fait fête à sa mère lors de son retour.

L'attachement n'est pas toujours sécure, les mères ne sont pas toujours parfaites. Lorsque l'attachement est " insécure ", d'une part l'enfant est moins autonome, moins explorateur, d'autre part il montre une profonde détresse lorsque sa mère s'absente, et à son retour il peut avoir soit un comportement de fuite, il ne lui fait pas fête, il l'évite comme s'il lui en voulait encore (on dit qu'il est attaché évitant), soit un comportement de collage, il ne veut plus quitter ses bras, il s'accroche à elle pour l'empêcher de repartir (il est attaché résistant).

L'attachement peut aussi être désorganisé : lorsque l'adulte qui devrait mettre l'enfant en sécurité est un adulte maltraitant, effrayant pour l'enfant, l'enfant est écartelé entre le besoin de chercher protection auprès de l'adulte et la peur qui lui inspire de le fuir. Son attachement est ambivalent, désorganisé. Ce cas est plus grave que le précédent.

Plus grave encore, l'enfant peut ne jamais s'être attaché, parce que les circonstances de sa vie ne l'ont pas permis. Il est affectivement carencé. S'il a survécu à cette épreuve (la mortalité en orphelinat est élevée), il s'est constitué des défenses. Soit il est inhibé : il vit à l'économie, est peu actif, peu émotif, peu communicatif, il survit ; soit il est désinhibé : il est charmeur, séducteur, manipulateur, les autres sont pour lui des objets dont il se sert pour assurer sa survie.

Bien entendu les troubles de l'attachement peuvent présenter des degrés : un attachement sécure n'est jamais totalement sécure, il existe des troubles majeurs et des troubles mineurs ...

Les troubles majeurs entraînent des conséquences graves sur plusieurs aspects de la croissance de l'enfant :

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3 - L'enfant adopté et les troubles de l'attachement

Un enfant qui a déjà été aimé, précocement aimé, est plus capable de s'attacher à une nouvelle famille qu'un enfant qui ne l'a jamais été. Croire qu'un enfant en manque d'amour est un enfant en demande d'amour est la plus grosse illusion de beaucoup de parents adoptifs.

Le passé de nos enfants étant le plus souvent un passé difficile, ils peuvent donc être concernés par les troubles de l'attachement de plusieurs manières et à plusieurs niveaux de gravité.

Les enfants qui sont dans le premier cas ont absolument besoin d'un travail thérapeutique spécifique, y compris sur le plan moteur et cognitif. Ce n'est pas par hasard que beaucoup de parents adoptifs notent avec surprise que les thérapies chez un psychomotricien, un kinésithérapeute, un orthophoniste, améliorent la situation mieux que les thérapies des pédopsychiatres qui ignorent tout des troubles d'attachement.

Les enfants du deuxième groupe ont également besoin d'être aidés ... et leurs parents aussi !

Les enfants des troisième et quatrième groupe n'ont pas de troubles de l'attachement à proprement parler (aucun retard émotionnel, ils entrent dans le symbolique, savent jouer à faire semblant, sont capables de relations intersubjectives), ils peuvent, si leur âge le permet et s'ils l'acceptent, bénéficier de thérapies par le langage parce que leur self, leur psychisme est réellement constitué. Je parlerais volontiers à leur sujet de " troubles du lien " plutôt que de troubles de l'attachement : ils se sont attachés petits, mais la vie les a malmenés et ils ont du mal à vivre un nouveau lien. Il dépend beaucoup des parents adoptifs de les y aider.

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4 - A quel âge ces troubles apparaissent-ils ?

On l'aura compris, les troubles graves, les vrais troubles d'attachement liés à une carence affective lourde dans la petite enfance, sont immédiatement repérables. Si aucun trouble n'a été visible avant 5 ans, il ne s'agit pas de troubles d'attachement au sens strict.

Ensuite, la souffrance de l'enfant peut entraîner des troubles, mais l'appareil psychique s'est construit (accès aux émotions, au symbolique, affinement de la psychomotricité, fonctions cognitives de base en place). Des troubles du comportement peuvent survenir en raison d'événements dans la famille (jalousie envers un plus jeune, ruptures, deuil etc, d'autant que ces enfants qui ont souffert de diverses ruptures peuvent être plus fragiles que d'autres) mais il ne s'agit plus au sens strict de troubles de l'attachement.

Cependant des troubles d'attachement mineurs dans l'enfance peuvent ne pas être repérés (si les symptômes sont peu visibles) et se réveiller à l'adolescence, à la faveur de la crise pubertaire.

Cécile Delannoy

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Complément :

Il faut faire la distinction entre attachement (attachment en anglais) et lien (bonding) : l'attachement est ce que tout enfant vit par rapport à son "donneur de soin principal", sa "figure d'attachement" ; le lien est réciproque (on ne parle pas de lien si l'un aime et l'autre non, un lien amoureux, un lien filial se tisse à deux).

Lorsque le bébé s'attache bien, le lien peut s'installer … y compris avec une deuxième personne.

De nombreux psys nous renvoient que c'est nous qui avons des difficultés à accepter nos enfants.

Il est vraiment difficile de leur faire reconnaître que le passé parfois très lointain de notre enfant est pour une bonne part dans les comportements qu'il présente aujourd'hui. Nous ne sommes pas responsables du passé de notre enfant, nous sommes responsables de chercher des solutions.

Les gens qui nous disent que c'est notre lien à l'enfant qui est " défectueux " refusent l'idée qu'un enfant peut ne pas être capable de s'attacher si l'adulte est aimant, c'est-à-dire qu'ils croient que c'est "inné" alors que c'est "appris" à une période bien précise du développement Ou encore c'est de l'inné qui a besoin d'un environnement favorable pour se déployer.

Certains de nos enfants ont appris à se méfier de leurs figures d'attachement, à ne pas se sentir en sécurité avec elles, voire n'ont pas pu (appris à ) s'attacher du tout à la période sensible (entre la naissance et 8 ou 9 mois) quelle qu'en soit la raison ...

Il est vrai que nos attitudes de parents pas au fait des problèmes nous amènent parfois à des comportements qui aggravent la situation : quand on ne sait comment faire, on essaie tout, être laxiste, sévère, tout passer, tout critiquer ... On en vient parfois à repousser notre enfant, et même à être violent verbalement et physiquement avec lui, à être maltraitants par épuisement ...

Pour ceux et celles qui veulent d'autres termes, on peut parler, avec plus de chances d'être compris, de carences affectives précoces, d'abandonisme ou d'hospitalisme. Ce sont des termes compris par les psys, et qui font référence à un passé en orphelinat avec peu de stimulations sensori-motrices et affectives. Parler de troubles d'attachement pointe plus précisément ce que nous, parents, ressentons : que notre enfant a envers nous un attachement perturbé, ambivalent, angoissé, agressif …

Françoise Hallet et Cécile Delannoy

Pour en savoir plus, vous pouvez lire le résumé d'une conférence de Holly Van Gulden, thérapeute américaine spécialiste de l'attachement :

H. Van Gulden - Conférence sur l'Attachement (format .pdf)

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