du côté des parents

un soutien à l'adoption

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Je n’arrive pas à aimer mon enfant

Je n’arrive pas à aimer mon enfant, je ne m’y attache pas...
J’aurais préféré un nourrisson, mais là il est déjà un peu grand, différent de nous... pas toujours agréable, râleur, pleurnicheur, envahissant...

Vous ne ressentez pas autant d’élan que vous imaginiez ? Vous ne le sentez pas encore comme votre enfant ?
Rien que de très normal s’il est arrivé depuis peu de temps. Parfois l’attachement est immédiat, avec un fort élan, et parfois c’est plus long... Un certain délai peut être nécessaire pour s’apprivoiser mutuellement.

Ce que vous vivez rappelle ce qu’ont vécu de nombreux couples séparés par la guerre (le mari prisonnier pendant quatre ans, par exemple) ou par d’autres circonstances : une énorme attente avec idéalisation de l’autre, et parfois au retour la déception : la mémoire avait joué des tours, l’autre ne ressemble pas ou plus à celui qu’on attendait, il a évolué au loin à sa manière, et le retour est difficile, décevant, plein de malentendus.
Il faut accepter de laisser faire le temps et essayer de ne pas exprimer trop visiblement sa déception, parce que l’enfant aussi peut être déçu, vivre mal de se sentir décevant, et qu’il est plus difficile de lui faire comprendre les choses qu’à vous-même.
Ne pensez pas au lendemain, pensez au jour présent et cherchez à le rendre le plus agréable possible pour vous et pour l’enfant, demain sera un autre jour.
D’autres parents adoptifs pourraient témoigner que l’attachement n’a pas été immédiat, que la première année n’est pas forcément une lune de miel, que le bonheur est venu plus tard.

Il est là depuis déjà quelques semaines (quelques mois) et ce que je ressens s’apparente plus à du rejet qu’à de l’attachement !
Il (elle) me déçoit), je n’ai aucune envie de lui donner des câlins, et je me sens coupable de si peu l’aimer, j’ai peur de ce que nous allons devenir.
Si c’était à refaire...

Il n’est pas l’enfant dont vous avez rêvé et vous vous sentez coupable de mal l'aimer, de peu l'aimer, de manquer d'élans affectifs à son égard...!
D'un côté je comprends ce sentiment de culpabilité : vous êtes allés le/la chercher, il/elle ne vous avait rien demandé, et maintenant vous ne vous sentez pas "à la hauteur"... On peut dire que vous avez raison de culpabiliser, mais ça ne vous aide pas du tout, au contraire : plus vous vous culpabilisez et moins vous pouvez l'aimer puisqu'elle/il vous met mal à l'aise, vous renvoie de vous une image qui ne vous plaît pas.

Alors je vous propose autre chose : il est arrivé grand déjà, vous ne l'avez pas porté ni choyé bébé, et donc vous ne l'aimez pas autant que vous auriez aimé un enfant né de votre couple (ou éventuellement que vos enfants déjà là, nés de vous), en tout cas c’est différent. Mais est-ce là l’essentiel ?
Les parents d'autrefois qui avaient des familles de 6, 7 voire 11 enfants ou plus ne devaient pas beaucoup se questionner pour savoir s'ils les aimaient tous pareil, autant, suffisamment etc. Ils essayaient de satisfaire à leurs besoins, de leur donner de la sécurité, et c'est cette base-là l'essentiel pour un enfant : se sentir en sécurité chez vous, définitivement, c'est peut-être plus important actuellement que de percevoir chez vous un élan affectif.

Il se pourait même que votre "réserve", votre retenue affective lui soit profitable, en lui laissant à lui aussi le temps de s’attacher à son rythme, sans ressentir de pression affective, de demandes de votre part.
Il n’est pas rare que des adoptions soient rendues difficiles au départ pour des raisons contraires : le parent fait trop pression auprès de l'enfant pour qu'il réponde à son amour, et l'enfant n'y arrive pas, se sent décevant, culpabilise comme vous le faites en ce moment, et ça n'arrange rien pour lui !!!
Représentez vous la situation comme ça : un frère à vous, ou une amie très chère, s'est marié à l’étranger, a eu un enfant, puis le couple est décédé, et vous avez alors décidé de recueillir l’enfant, vous l’aviez promis à ses parents... Par moment ça vous pèse un peu, c'était une décision lourde, mais c'est fait, vous êtes quelqu'un de bien de l'avoir fait, et personne ne peut s'attendre à ce que cet enfant soit chéri de vous du jour au lendemain.
Soyez avec lui attentifs, tolérants (il a souffert), chaleureux si vous le pouvez, sans vous demander l'impossible et sans vous faire de reproches... Soyez cool avec vous-même, indulgents... Proposez-vous chaque jour un geste gentil à son égard, un seul, et félicitez-vous de l'avoir fait. Au besoin, trouvez lui de gentils parrain et marraine chez qui il puisse aller de temps en temps en week-end ou en vacances et que ce soit pour lui comme une fête et pour vous comme un moment pour souffler, et laissez faire le temps.
Si vous n'attendez pas trop de vous-même, vous vous surprendrez probablement à vous apercevoir qu'il vous touche, qu'il a pris de la place dans votre vie, que vous avez plaisir à le voir sourire, s’épanouir...

Ne regardez pas en arrière (n'ayez pas la nostalgie de la relation que vous aviez imaginée), regardez devant... Éduquer un enfant, c’est l’aider à devenir un adulte autonome qui vous quittera, la spontanéité de l'amour c'est la cerise sur le gâteau... Ça viendra probablement, ça vous prendra par surprise...

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Je m’étais fait une toute autre image de l’éducation que j’allais lui donner, j’avais des principes, et en fait...

Ce n’est sans doute pas propre aux parents adoptifs : nous avons des principes éducatifs généreux mais aussi chargés d’illusions sur la pureté et la bonté enfantines, la réalité n’y correspond guère, et lorsque nous réagissons, à chaud, dans l’émotion, face aux éventuelles provocations de nos enfants, ce ne sont pas nos principes qui ont le dessus.

Nos principes ont souvent rapport à l’éducation que nous avons reçue : nous souhaitons transmettre les mêmes valeurs, ou au contraire ne pas imiter nos parents trop ceci et pas assez cela...
Ne pas y parvenir est frustrant pour nous, et nous amène à nous découvrir autres que ce que nous imaginions, c’est souvent très désagréable.

Une des raisons d’être de lieux de parole et de réflexion sur l’éducation est précisément de se donner le temps de préparer d’autres réponses que celles qui nous viennent spontanément, c’est ce que Johanne Lemieux appelle "être outillé" : avoir réfléchi à la manière de gérer une colère, un mensonge, une imitation de signature etc., de façon à avoir une réponse adaptée au problème, ni excessive ni laxiste, en tenant compte de l’âge de l’enfant etc.

Toutefois, je pense que les parents adoptifs sont particulièrement touchés par ce décalage entre les principes revendiqués et l’éducation réelle, en raison de la longue attente de l’enfant.
Nous adoptons le plus souvent déjà un peu âgés, plus âgés que la moyenne des parents, après une longue attente où nous avons imaginé nos relations sous un jour idyllique.
Lorsqu’un parent a des enfants tôt dans la vie, il est beaucoup plus spontané dans son imitation des attitudes parentales ou dans sa revendication de faire autrement : s’il est tout juste sorti d’une adolescence un peu rebelle, il va plus spontanément faire autrement que ses parents pour s’affirmer autonome, s’il a aimé sa propre enfance, il reproduit ce qu’il a vu faire, sans trop s’interroger.

Devenus parents tardivement, vous risquez davantage aussi d’être un peu rigides, d’avoir pris des habitudes que vos enfants viennent bousculer.
Parents par adoption, vous risquez davantage d’être pleins de principes (à défaut de donner la vie, vous valorisez beaucoup l’éducatif), et il est souhaitable de savoir les remettre en cause, parce que le monde a changé depuis votre enfance, et parce que vos enfants viennent d’ailleurs et ont pu déjà s’habituer à des principes éducatifs différents.

Ce qui ne veut pas dire que vous devez renoncer à tout, bien loin de là ! Mais que vous avez à peser l’importance réelle des valeurs, attitudes et comportements que vous souhaitez transmettre.

Autrement dit, réjouissez-vous de voir vos enfants bousculer un peu vos principes, c’est le signe que vous êtes vivants, non figés... Mais prenez du temps pour y réfléchir à plusieurs, fixer vos priorités et penser à la manière de les faire respecter.

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Je m’inquiète tellement, je ne peux pas penser à autre chose

la principale chose qu'on puisse faire pour qu'un enfant qui va mal aille mieux, c'est aller bien.
C'est presque la seule chose parfois.

C'est tellement difficile aussi, bien plus difficile que de traîner son enfant chez tous les spécialistes de la terre...

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